CHINESE FAKE LIFE #1 - Beach made in China / La plage sous surveillance
Le développement du tourisme intérieur dans la société chinoise va de pair avec son hyper mise en scène. La plage, lieu de loisir jusqu’à alors peu connu en Chine, devient le cadre idéal du divertissement et l’utilisation du smartphone et des réseaux sociaux y est omniprésente. Alimenter leurs contenus semble ici être devenu la raison principale de toute activité surtout dans un contexte de loisirs socialement valorisant comme celui des pratiques du bord de mer.
Dans ce mode de vie numérique hyperconnecté, la mainmise du gouvernement sur le contenu d’Internet n’a jamais été aussi forte. Le gouvernement a mis en place une « grande muraille électronique » et ne se cache pas de cette censure. A présent, presque tous les aspects de la vie des Chinois sont enregistrés et consignés, sans qu’ils s’en inquiètent ; l’argument sécuritaire légitimant largement ces nouvelles mesures d’autant plus que l’on n’a rien à se reprocher. Le recours à l’intelligence artificielle et au Big Data a permis la mise en place d’un Internet «fermé» permettant un cyber-contrôle centralisé par le pouvoir. Ainsi 450 millions de caméras de reconnaissance faciale seront déployées sur tout le territoire chinois d’ici à fin 2020.
Au-delà de leur apparente dimension hédoniste, les pratiques de plage en Chine prennent dans cette série photographique des allures de science-fiction dans un contexte balnéaire supposé idyllique. Dans la double tension entre le narcissisme digital et la surveillance numérique globale en réseau fermé, le facekini – initialement pour se protéger du soleil – devient un accessoire symbolique. Uniforme de bain il est le masque qui protège des regards inquisiteurs et l’emblème de l’autocensure. La cagoule de bain se transforme alors en objet de dissidence, utilisé de manière subversive pour se soustraire au système de reconnaissance faciale.
Le dispositif photographique interroge ici le spectateur sur les enjeux des pratiques numériques entre défouloir ludique et pratiques sécuritaires de surveillance de masse où tout un chacun devient finalement un suspect potentiel…
Dans nos pays occidentaux, le développement de ces méthodes de surveillance également basé sur des fantasmes sécuritaires et économiques, ne s’est-il pas accéléré ces dernières années au détriment de nos libertés individuelles ?